En compagnie d’Arnaud Tanguy, Régis Le Bris est intervenu en début de semaine lors d’un colloque organisé à Brest par l’Amicale des éducateurs bretons du District du Finistère Nord, en partenariat avec le Crédit Mutuel de Bretagne, également partenaire du FC Lorient et du football breton. Intitulé « L’avenir du footballeur breton », il réunissait des représentants des quatre clubs professionnels de la région. L’occasion, pour le Directeur du Centre de Formation du FCL, de rappeler au fil d’une session de questions-réponses, quelques principes fondamentaux de la « formation à la lorientaise ».
Régis Le Bris, quelle est la démarche de formation du FC Lorient ?
Pendant longtemps, la formation du joueur s’est appuyée sur une démarche prescriptive : l’éducateur définit un modèle, le joueur applique le modèle. Nous évoluons vers un parcours de formation qui fait valoir le désir de réussite du jeune joueur et ses capacités de créativité et d’autonomie. Après une première phase éducative, basée sur les connaissances nécessaires pour se construire, nous positionnons le joueur comme acteur de ses apprentissages : il a la possibilité de choisir et doit apprendre à s’autoévaluer par rapport aux exigences du haut-niveau. En conséquence, plutôt que de former, il s’agit de révéler le jeune garçon en construction. Cela se réalise sur une base d’exigences fortes et de feedbacks très réguliers quant à ses temps de passage par rapport à la pratique de haut-niveau. La réussite professionnelle étant très difficile, nous ambitionnons un épanouissement global du jeune joueur. S’il ne parvient pas à franchir les étapes vers le monde professionnel, il doit durant son parcours de formation avoir étoffé son bagage pour continuer à évoluer sereinement dans sa vie future. En ce sens, le développement de la responsabilisation de l’adolescent puis du jeune adulte et l’exploitation du potentiel scolaire de l’élève constituent également des priorités.
Que doit-on faire pour bien former un joueur ?
Deux points nous apparaissent essentiels. D’abord, concevoir un dispositif cohérent, avec une gouvernance technique et un staff très compétent (technique, recrutement, scolaire, médical et éducatif), une architecture précise concernant les effectifs et les groupes d’entrainement et de compétition, des contenus de formation et une pédagogie à la mesure de nos ambitions d’épanouissement. Ensuite, recruter le plus précisément possible par rapport aux caractéristiques du parcours de formation proposé.
Comment se décide la signature d’un premier contrat Pro ?
Dans de nombreuses structures, l’entraîneur professionnel est le seul décideur quand il s’agit de valoriser les jeunes joueurs issus de la formation. Agissant sous très fortes contraintes de résultats, ce dernier peut selon les circonstances, et notamment durant les périodes difficiles, avoir une perspective biaisée, dans un sens ou dans un autre, par rapport aux qualités d’un jeune qui fait ses premières armes au niveau professionnel. Le FC Lorient s’est doté d’une structure permettant d’apprécier sous différents angles les qualités et les perspectives des jeunes pousses issues du parcours de formation. Ainsi, l’entraîneur des Professionnels (Sylvain Ripoll), le Coordinateur sportif (Christophe Le Roux) et le Directeur du Centre de Formation (moi-même) constituent, autour du Directeur Général (Arnaud Tanguy), la structure de décision. Franck Haise, l’entraîneur du groupe Réserve, est également impliqué car il connaît parfaitement les jeunes joueurs qui postulent à l’accès au groupe professionnel.
Quelle est la place de la compétition dans ce parcours de formation ?
Il s’agit à la fois d’un moyen de formation et d’une finalité. Par contre, nous luttons contre les effets négatifs de la compétition. Cela se produit notamment quand un ou plusieurs éducateurs transforment la démarche de formation en démarche de compétition. Les équipes U13, U15, U17 ou U19 deviennent des chasses gardées où l’objectif est d’obtenir des résultats chaque week-end. Les effets pervers se multiplient : choix de joueurs performants sur l’instant vs joueurs à fort potentiel mais immatures, programmation des entraînements avec un affutage sur la fin de semaine pour préparer la compétition, survalorisation des résultats positifs et surexposition des joueurs décisifs individuellement, plan de jeu à risques limités… Durant le parcours de formation, nous pensons également que le jeune joueur doit apprendre à apprécier la compétition, le duel, l’opposition avec enjeux. Afin de préparer son éclosion au plus haut niveau, nous devons préparer avec lui son exposition à de fortes contraintes car il s’agit d’une réalité incontournable du sport de haut niveau.
Les notions « d’identité » et de « territoire » sont-elles importantes ?
L’ambition du FC Lorient est de détecter et d’entraîner les joueurs à potentiel de son territoire. Le club s’organise pour valoriser les potentiels locaux. L’identité ne se réduit néanmoins pas à recruter des joueurs locaux. Le FCL s’est construit sur une philosophie éducative et un style de jeu très caractéristique. Chaque jour, nous vivons et entretenons la proximité, l’échange, l’authenticité des relations humaines à l’Espace FCL, le Centre de vie que le club a construit il y a deux ans. Chaque jour, nos jeunes joueurs cherchent à construire un jeu créatif basé sur la coopération, le jeu de passes courtes, redoublées… Nous recrutons des joueurs de notre territoire mais nous pensons aussi que des joueurs provenant d’autres horizons et d’autres cultures peuvent parfaitement s’y intégrer.
Justement, en matière de recrutement, quelle différence y a t’il entre l’œil du spectateur et l’œil du recruteur ?
Une grande partie du recrutement d’un Centre de Formation se déroule entre 13 et 15 ans. La problématique essentielle à cet âge concerne les disparités de maturité physique. Les joueurs les plus performants sont essentiellement les joueurs les plus matures. L’œil de tous les observateurs est orienté performance. Le challenge est de réussir à détecter des jeunes joueurs qui pourront s’épanouir dans une structure de formation en modérant ou en nuançant la performance de l’instant. Et ce challenge est très difficile!
